État de droit : bras droit ou contre pouvoir ?
12 JUIN 2025
La contestation de la condamnation de Marine Le Pen révèle une tension croissante autour de l’État de droit, pilier pourtant fondamental de toute démocratie. Derrière les accusations de “coup d’État judiciaire”, c’est la légitimité des institutions judiciaires qui est remise en question. Symptôme isolé ou signe d’un basculement plus profond vers une remise en cause des règles communes ? Éclairages avec Yvon Quiniou, philosophe et auteur de plusieurs ouvrages sur le marxisme.
Suite à la condamnation de la cheffe de file du Rassemblement National, les critiques ont émané de bords politiques très éloignés, ainsi Eric Zemmour fustigeait que « ce n’est pas aux juges de décider pour qui doit voter le peuple » quand Jean-Luc Mélenchon tweetait : « La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple […] ». De son côté, l’animateur vedette de CNews, Pascal Praud, il déclarait lors de son émission « l’Heure des pros » que « des millions de Français verraient dans cette inéligibilité de Marine Le Pen un coup d’état judiciaire« .

Les fondements de l’État de droit face à une crise politique
Selon la définition du gouvernement, l’État de droit repose sur trois piliers : la hiérarchie des normes, la séparation des pouvoirs et l’égalité devant la loi. Autrement dit, personne, pas même l’État, n’est au-dessus de la justice. Dans cette logique, la condamnation de Marine Le Pen n’entrave pas la démocratie, au contraire elle l’illustre. Mais dans un climat de méfiance généralisée envers les institutions, ce rappel à l’ordre judiciaire est vécu par certains comme une agression politique.
Pour Yvon Quiniou cela traduit « au minimum une crise ponctuelle absolument étonnante » mais qui pourrait « augmenter d’une manière catastrophique ». Il alerte sur la nécessité que le peuple, dans son ensemble, soit éduqué de façon à reconnaître qu’il existe « des fautes morales à ne pas commettre » qui, quand on les a commises, « vous interdisent de prétendre postuler à un poste de direction en politique ».
L’éducation civique, la clé pour préserver la démocratie ?
L’ancien professeur s’inquiète du niveau de culture civique délivré aux élèves : » Je constatais d’emblée que des élèves qui étaient en âge de voter ou d’aller voter l’année suivante étaient littéralement dans un abîme d’ignorance dans certains sujets fondamentaux comme l’histoire, comme la morale, ou les rapports de la morale et de la politique. ».
Il complète son idée par la nécessité d’une exemplarité des figures politiques élues. Un constat largement partagé par les Français puisque lors des dernières présidentielles, France Bleu a mené la plus grande consultation citoyenne révélant que « l’exemplarité et la limitation des avantages attribués aux responsables politiques » arrivent en tête de leurs priorités.
Yvon Quiniou conclu sur l’obligation que l’État de droit, et donc le pouvoir judiciaire, demeure un rempart afin de contrebalancer et corriger, lorsque cela est nécessaire, le pouvoir exécutif.
Juliette Ducornetz