Lætitia Bernard : tracer sa voie, sans se laisser guider
04 JUIN 2025
Lætitia Bernard a un parcours singulier ! Elle a d’abord été championne d’équitation avant de devenir journaliste à France Inter. Son parcours est-il exceptionnel ? Quel place fait-on aux personnes en situation de handicap dans les médias… ? Rencontre au micro de Maxime Piberne.

En 2005 paraît la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Vingt ans plus tard, le Défenseur des droits dresse un bilan mitigé : les avancées sont encore trop concentrées sur le plan médical, au détriment de l’inclusion sociale et professionnelle.
Parmi les figures qui font mentir les stéréotypes, Laetitia Bernard porte une voix singulière. Née aveugle, elle se prend très tôt d’amour pour l’équitation, et particulièrement pour le saut d’obstacle où elle excelle, allant jusqu’à monter la première marche du podium national.
A la sortie de son baccalauréat, elle se lance dans des études de sciences politiques et de journalisme. Aujourd’hui elle est une des figures de France inter où elle tient chaque week-end le podcast Regards croisés.
Pourtant, son parcours n’a pas été exempt de discriminations. « Je suis aveugle, et en plus, je suis une femme… C’est vrai que ça n’a pas toujours été évident, surtout au début », confie-t-elle en évoquant ses débuts comme journaliste sportive. Certains collègues redoutaient que sa présence « ralentisse » le travail ou complique l’organisation. Malgré des moments difficiles, elle remercie celles et ceux qui ont cru en elle, “des rencontres assez décisives” qui lui permettront, en plus de sa détermination, de construire sa carrière professionnelle.
Laetitia le rappelle : l’accompagnement des personnes en situation de handicap reste largement insuffisant dans le monde professionnel, et les rédactions ne font pas exception. Si elle salue les efforts de Radio France : “franchement, ils font un bon boulot parce qu’on a une mission handicap qui nous aide”, elle regrette le manque de représentativité à l’image de Théo Curin. Nageur paralympique et présentateur de l’émission télévisée Slam, “voir des figures de personnes avec un handicap faire autre chose que de parler de leur handicap et apparaître à l’écran de manière “normale” […] Ça intègre le handicap dans le décor de tout le monde. Et ça, je trouve ça génial.”.
En mars dernier, un de ses collègues de France Inter, Nicolas Demorand, révélait dans son livre Intérieur nuit être atteint de troubles bipolaires. Un témoignage rare dans les médias, où les handicaps psychiques restent encore très peu visibles. Laetitia salue son témoignage qui contribue à “libérer la parole”.
Vingt ans après la loi, le chemin vers l’inclusion reste semé d’embûches. Mais des voix comme celle de Laetitia Bernard rappellent que la différence, loin d’être un frein, peut devenir une force — pour peu qu’on lui ouvre enfin les portes.
Refusant de se limiter aux rôles qu’on assigne souvent aux personnes en situation de handicap, Laetitia trace sa propre route. Elle incarne une réussite inspirante, mais surtout une liberté de ton et de choix.
Juliette Ducornetz